Le manifeste

Prostitution : des eurodéputés interpellent le gouvernement

Par Nicole Kiil-Nielsen (EELV – Verts ALE) ; Sophie Auconie (UDI – PPE) ; Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche – GUE) ; Pervenche Berès (PS – PSE).

Avec le soutien de Mikael Gustafsson( GUE – Suède) 

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Eurodéputé-e-s français-e-s, nous avons soutenu et fait adopter le 26 février 2014 une résolution portant sur « la  prostitution, l’exploitation sexuelle et leur impact sur l’égalité femmes-hommes ». Nous en sommes fier-e-s et convaincu-e-s : cette résolution fera date dans l’histoire progressiste européenne !

Tout d’abord, parce qu’en qualifiant la prostitution et son exploitation de « violations des droits humains contraires à la Charte européenne des droits fondamentaux » et d’obstacles à l’égalité entre les femmes et les hommes, le Parlement européen envoieun signal politique très fort là où les Etats membres apparaissent encore comme fortement divisés.

Ensuite parce que cette résolution pourrait contribuer à clore un cycle de quinze années de libéral-proxénétisme. C’est en effet au coeur même de l’Union européenne que des Etats comme l’Allemagne et les Pays-Bas ont théorisé et mis en oeuvre l’exploitation légale du corps des femmes au nom de la reconnaissance du « travail du sexe » et dépénalisé le proxénétisme en faisant des proxénètes des « entrepreneurs du sexe ». Dix ans après la mise en oeuvre de ces législations, le constat est sans appel : les proxénètes et leurs réseaux internationaux de traite des êtres humains ont bénéficié de la légalisation du « marché du sexe » au détriment de personnes prostituées, toujours plus jeunes, plus vulnérables, et issues de pays tiers moins développés.

C’est ici la troisième avancée majeure permise par cette résolution parlementaire : elleouvre la voie à une profonde refonte de la politique européenne de lutte contre la traite des êtres humains. Suite à notre résolution du 26 février 2014, Europol a, pour la première fois, reconnu publiquement, au Parlement européen, que la traite des êtres humains augmentait particulièrement dans les pays qui avaient légalisé le « travail du sexe ». Cet aveu, attesté auparavant par une étude internationale d’économistes britanniques et allemands, devrait permettre de réorienter une politique européenne de lutte contre la traite des êtres humains minée par l’incapacité politique des institutions et Etats membres à s’attaquer aux causes profondes de la traite que sont le développement de « marchés nationaux » et l’impunité des proxénètes et acheteurs de sexe.

Nous saluons à cet égard la résolution adoptée le 8 avril 2014 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Cette résolution reconnait en effet l’échec de la politique européenne de lutte contre la traite des êtres humains et recommande aux Etats membres d’ « envisager la criminalisation de l’achat de services sexuels, basée sur le modèle suédois, en tant qu’outil le plus efficace pour prévenir et lutter contre la traite d’êtres humains ».

Dans ce contexte, nous le disons avec force : la France a une opportunité et une responsabilité historiques de faire enfin aboutir le travail parlementaire de grande qualité mené de façon transpartisane depuis 2010 en la matière. L’adoption rapide d’une proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et le soutien à ses victimes est non seulement une impérieuse exigence de justice et de soutien pour les victimes de cette exploitation des plus vulnérables, mais aussi une opportunité de réorienter la politique française et européenne de lutte contre la traite des êtres humains en démontrant par des mesures tangibles que l’exploitation des femmes et de leurs corps et l’asservissement des plus vulnérables ne peut être en aucun cas une source de profits pour les réseaux criminels nationaux et internationaux.

La France est attendue par toutes celles et ceux qui veulent, en France comme en Europe, que les droits des femmes à vivre en dehors de toute violence et que les droits des plus vulnérables à vivre dignement soient mieux protégés. Nous attendons donc un engagement fort du Gouvernement et de l’ensemble des groupes politiques au Sénat pour faire adopter au plus vite une grande proposition de loi globale et cohérente visant le renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel et du soutien à ses victimes.

 

Signataires :

Nicole Kiil-Nielsen, députée européenne (EELV – Verts ALE)

Sophie Auconie, députée européenne (UDI – PPE)

Jean-Luc Mélenchon, député européen (Front de Gauche – GUE)

Pervenche Berès, députée européenne (PS – PSE)

Avec le soutien de :

Mikael Gustafsson, président de la commission FEMM du Parlement Européen (GUE – Suède)

3 réflexions sur “Prostitution : des eurodéputés interpellent le gouvernement

  1. Tant que l’on ne pénalisera pas l’achat d’acte sexuel, on peut sortir autant de femmes que l’on veut de la prostitution, des délinquants s’improviseront proxénètes et trouveront des femmes vulnérables pour les remplacer. Ne pas pénaliser l’achat d’acte sexuel, c’est attendre que le crime ait lieu et compter les victimes.
    Il faut interdire l’achat d’acte sexuel dans un but de prévention de criminalité comme le recommande l’ONU contre le crime (Joy Ngozi Ezeilo, Rapporteur spécial de l’ONU sur le trafic des êtres humain, 2013/05/31) et le Parlement Européen (rapport M Honeyball, 26 Février2014).

    En Suède, aussi bien la chancelière de justice, que des procureurs, des policiers (personnes assermentées), des assistantes sociales ont affirmé la réussite du modèle nordique d’interdiction d’achat d’acte sexuel. Ils ont aussi affirmé que la pénalisation d’achat d’actes sexuels, n’avait pas poussé à la clandestinité les personnes prostituées ni rendu leurs conditions plus dangereuses. Bien au contraire ; les personnes prostituées sont mieux protégées en Suède que dans les autres pays.

    La Chancelière des affaires juridiques suédoise, Anna Skarhed, dans une audience publique au Bundestag, (mars 2014) a démenti formellement que la loi a poussé à la clandestinité les personnes prostituée en Suède, parlant de mythes : «chez vous, de nombreux mythes circulent au sujet de la loi suédoise sur la prostitution. Aujourd’hui, vous aurez l’occasion d’entendre les faits… Quand nous avons fait cette loi, nous avions deux espoirs : arriver à dissuader des acheteurs, et que de moins en moins de femmes doivent se résoudre à la prostitution. Nous voulions aussi faire de la Suède un pays moins attrayant pour les trafiquants. Nous avons atteint ces objectifs.»
    Et elle a ajouté une phrase cruciale : «Il ne s’agit pas d’une législation moraliste, mais de droits de la personne et d’égalité des sexes.» (Audience publique au Bundestag, mars 2014)

    – Voie suédoise et impasse allemande (EMMA)

    LES ASSISTANTES SOCIALES SUÉDOISES CONSTATENT ELLES AUSSI QUE LES PERSONNES PROSTITUÉES SONT MIEUX PROTÉGÉES EN SUÈDE QUE DANS LES AUTRES PAYS D’EUROPE:
    Lisa Green, de Malmö, a réfuté un autre mythe sur le modèle suédois : du fait que les prostituées auraient sombré dans l’illégalité, les intervenant-e-s en travail social n’arriveraient plus à les atteindre. « C’est l’inverse, a déclaré Lisa Green : «Nous signalons aux femmes tout à fait clairement que la culpabilité et la honte ne sont pas dans leur camp, mais bien dans celui de l’acheteur. C’est pourquoi elles se confient à nous.» En plus, nous continuons à rejoindre les femmes là où elles se trouvent : dans la rue, dans les hôtels, sur Internet. (Audience publique au Bundestag, mars 2014)

    Miki Nagata :« Moins de violence, des salaires plus élevés : le « marché » suédois semble plus sûr pour les prostituées. Miki Nagata s’occupe d’une jeune femme qui, après avoir été escort en Allemagne, exerce aujourd’hui en Suède : « Elle se sent plus protégée car elle sait qu’elle peut aller voir la police si elle est victime d’un mauvais client. La loi rééquilibre un peu le rapport de force en faveur de ces femmes. » »
    http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20131128.OBS7529/prostitution-stockholm-la-ville-ou-le-client-est-invisible.html

    Karin Sidenvall, travailleuse sociale au Centre de prostitution de Stockholm (public et gratuit) estime qu’il n’y a eu AUCUNE détérioration des conditions des personnes prostituées à cause de la pénalisation des clients :
    « Les personnes qui viennent nous voir ne nous parlent pas de conditions détériorées. Et on ne m’a jamais parlé de clients plus violents depuis la pénalisation. Nous remarquons en revanche qu’elles sentent que la loi est un type de reconnaissance de leur souffrance. Pour elles, cette loi reconnaît que la prostitution est une violence qui leur est faite. ». (RUE89, 2013/07/25)

    L’association de prostituées suédoises PRIS est très favorable à la pénalisation des clients et recommande le modèle nordique à tous les pays du monde.
    http://www.xn--ntverketpris-gcb.se/goals.html

    • LA POLICE SUÉDOISE AFFIRME QUE LA PÉNALISATION DE L’ACHAT D’ACTES SEXUELS « EST DEVENUE LA PRINCIPALE ARME DANS LA LUTTE CONTRE LA TRAITE » et que cela est confirmé par les écoutes téléphoniques. 

      Mats Paulsson, de la section de lutte contre la traite de Västra götaland : « Pour nous, cette loi est vraiment utile pour enquêter sur les cas de traite. On traîne dans le milieu et les clients nous fournissent beaucoup d’informations ».

      Kajsa Wahlberg, commissaire au Conseil national de la police et rapporteuse nationale sur la traite, explique comment ça marche : « Il arrive assez souvent que les policiers tombent sur un proxénète, lors de l’arrestation d’un client. Alors qu’ils sont en train de recueillir le témoignage de la femme, le proxénète entre dans l’appartement, en demandant pourquoi elle ne répond pas au téléphone depuis une demi-heure. »

      Zanna Tvilling, de la police de Stockholm, confirme et ajoute qu’il arrive assez souvent que les clients se portent témoins dans des cas de traite ou de proxénétisme.

      Selon Mats Paulsson, les proxénètes qui opèrent en Suède doivent se déplacer en permanence pour ne pas être découverts. Parfois ils gardent des filles dans un appartement seulement deux semaines. Kajsa Wahlberg estime qu’il n’est pas possible pour un réseau de proxénétisme de se développer en Suède : « Les trafiquants n’arrivent pas à garder plus de deux-trois filles en même temps. »
      http://www.rue89.com/2013/07/25/punir-les-clients-prostitues-modele-suedois-a-bon-dos-244373?com=select&c=3

      EWA CARLENFORS, inspectrice spécialisée de la police de Stockholm.
      Question: Une critique formulée parfois en Suède – et à l´étranger – est que cette loi a surtout eu pour effet de pousser vers la clandestinité. Est-ce le cas ?
      « Non. Six mois après l’entrée en vigueur de la loi, nous avons pu constater que les gangs n’emmenaient plus les femmes dans les rues de Stockholm, mais qu’ils les transféraient dans d’autres pays. C’est vrai que l’accès généralisé à Internet, autour de l’an 2000, a servi comme un nouveau moyen de marketing pour ces gangs. Mais cela aurait été le cas de toute façon, et ce n’est pas une conséquence de la loi. Le marketing des femmes via Internet nous sert d’ailleurs aussi à repérer les victimes : c’est un outil de travail. Par contre, on ne trouve pas d’annonces pour des filles de moins de 18 ans sur Internet. Les trafiquants savent que, dans ces cas-là, les filles sont considérées comme des enfants et qu’il s’agit automatiquement d’un crime de traite des êtres humains. »
      http://www.courrierinternational.com/article/2008/06/02/la-loi-criminalisant-les-acheteurs-de-services-sexuels-fonctionne-bien

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