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Action #37 – Sénat : blocage et sabotage

La proposition de loi contre le système prostitutionnel, votée à l’Assemblée nationale, tarde à être inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Pour ses opposants, tous les moyens sont bons.

Le 20 mai 2014, la commission spéciale du Sénat auditionnait le Suédois Simon Häggström, inspecteur chef de la brigade anti-prostitution de Stockholm et témoin capital pour juger de quinze années d’application de la loi pénalisant les clients-prostitueurs.

Zéromacho est en mesure de démontrer que le compte rendu de son intervention a été tronqué et falsifié sur plusieurs points importants.

En résumé :

Les trois arguments centraux pour s’opposer à la pénalisation des « clients » sont

  • la mise en danger des personnes prostituées que la pénalisation aggraverait encore

  • le déplacement de la prostitution en dehors des villes ou à l’étranger

  • l’impossibilité de trouver les « clients » contrevenants et de prouver leur culpabilité

L’inspecteur Häggström démontre le contraire par l’exemple suédois et c’est justement là que ses propos sont coupés ou déformés

Zéromacho demande que le texte intégral de l’audition de Simon Häggström soit rétabli sur le site du Sénat et distribué aux membres de la commission spéciale.

 

Les éléments du témoignage qui ont été mutilés :

Premier argument : l’inspecteur affirme (vidéo à 30’) :

« Les femmes prostituées disent que la Suède est un pays plus sûr que les autres. Beaucoup ont vendu du sexe avant, dans d’autres pays européens, et elles disent que les Suédois qui viennent les voir ont très peur, parce qu’ils savent que la police les recherche, et savent qu’il faut qu’ils se conduisent bien parce que s’ils se conduisent mal, la femme peut appeler la police sans être punie, sans encourir aucune pénalité.»

Or le compte rendu du Sénat édulcore fortement cette information capitale en traduisant comme suit :

« Inversement la Suède passe pour un pays plus sûr pour les femmes prostituées, notamment parce qu’elles savent qu’elles peuvent se plaindre à la police et que les clients le savent aussi.»

Le propos essentiel de l’inspecteur Häggström est totalement réduit. Finie « la peur » des clients, escamotée leur attitude moins agressive, envolé le témoignage des femmes prostituées ! Il ne reste qu’une vague impression : à l’étranger, « la Suède passe pour… ».

Deuxième argument (22′) :

L’inspecteur nous dit à propos des mythes répandus : « Une critique est que la loi conduira les clients vers d’autres pays : c’est en partie vrai, car 70 % des clients disent que leur achat précédent s’est fait dans un autre pays. Mais c’est la preuve que la loi marche parce que les Suédois n’osent pas acheter du sexe en Suède. C’est pour cela qu’il faut que plus de pays adoptent cette législation ou une législation similaire. »

Or le compte rendu donné à la commission déforme le propos et opère un retournement de sens :

 « les clients déclarent à 70 % que leur précédent achat de services sexuels avait eu lieu à l’étranger, mais cela ne doit pas dissuader un pays d’agir comme il lui semble juste »

On a effacé la « preuve que la loi marche», fait disparaître les « Suédois qui n’osent pas acheter de sexe » et surtout enlever cette incitation des autres pays à « adopter cette législation ou une législation similaire ».

A la place, chaque pays doit « agir comme il lui semble juste ».

Troisième argument (16’35 ») :

Un mythe a été répandu en France sur la future loi : il serait impossible de prouver la culpabilité des « clients » de la prostitution.

L’inspecteur témoigne du fait que : « 8 clients sur 10 admettent le crime immédiatement sur les lieux d’arrestation. Sans même que nous ayons eu à les conduire au poste de police. ».

Le compte rendu traduit : « Le client peut reconnaître les faits, ce qui arrive dans la plupart des cas ».

L’argument est, pour le moins, amoindri.

Pour vérifier par vous-même :

Vidéo de l’intervention de M. Simon Häggström, chef de la brigade anti-prostitution de Stockholm, Suède :

http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video22850.html

Compte rendu donné par la commission spéciale du Sénat :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20140519/cs_prostitution.html

Suite à cette interpellation de Zéromacho :

– lire « Bidouillages au Sénat », par Gérard Biard, dans Charlie Hebdo du 29 octobre 2014:

Contrairement à l’idée communément admise, les pensionnaires du Sénat ne passent pas leur temps à ronfler. Si le projet de loi sur la lutte contre la prostitution, adopté depuis bientôt un an par l’Assemblée nationale, n’a toujours pas été inscrit à l’ordre du jour, cela ne signifie pas pour autant que les sénateurs s’en désintéressent. En juillet dernier, la Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel avait d’ailleurs fait sauter la mesure la plus emblématique, la pénalisation du client, à la grande joie d’Esther Benbassa, sénatrice écologiste très attentive à la préservation des ressources alimentaires du maquereau. Et si l’on a la curiosité d’aller consulter les documents relatifs aux travaux de ladite commission sur le site du Sénat, on découvre qu’ils ont parfois donné lieu à une intéressante activité de réécriture.
Penchons-nous sur l’audition de l’inspecteur Simon Häggström, chef de la brigade antiprostitution de Stockholm, venu témoigner des résultats, 15 ans après l’adoption de la loi criminalisant l’achat de services sexuels, de ce fameux « modèle suédois » qui, aux dires des défenseurs du libre marché aux esclaves, « ne fonctionne pas ». Lui est venu expliquer, expérience à l’appui, qu’au contraire il fonctionne, et que « la traite et la prostitution ne sont plus un problème en Suède aujourd’hui ». Affirmation pour le moins capitale dans le débat, mais qui, si elle est évidemment présente dans l’enregistrement de son intervention (1), a disparu du compte rendu écrit (2) destiné à servir de document de travail à tous les sénateurs quand la loi sera débattue en séance. Et ce n’est pas le seul élément de son témoignage ayant subi des modifications allant un poil au-delà de la simple démarche consistant à résumer ses propos.
Simon Häggström souligne d’abord que cette loi est « l’outil le plus précieux » pour lutter contre la prostitution et les réseaux de proxénétisme. Dans le compte-rendu, la loi devient « le principal outil », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Puis, il dément, par les faits, plusieurs arguments des opposants à la pénalisation. Concernant l’objection selon laquelle il serait impossible de prouver la réalité du délit, il témoigne que « 8 clients sur 10 admettent le crime immédiatement sur les lieux de l’arrestation, sans même que nous ayons eu à les conduire au poste de police ». Ce qui devient à l’écrit : « le client peut reconnaître les faits, ce qui arrive dans la plupart des cas ».
Plus loin, il répond à la critique classique : la loi conduira les clients vers d’autres pays. « C’est en partie vrai, admet-il, car 70 % des clients disent que leur achat précédent s’est fait dans un autre pays. Mais c’est la preuve que la loi marche parce que les Suédois n’osent pas acheter du sexe en Suède. C’est pour cela qu’il faut que plus de pays adoptent cette législation ou une législation similaire ». Une démonstration absente du compte rendu, qui lui fait dire : « les clients déclarent à 70 % que leur précédent achat de services sexuels avait eu lieu à l’étranger, mais cela ne doit pas dissuader un pays d’agir comme il lui semble juste »…
Quant à l’inévitable débat sur la sécurité des prostituées, que la loi compromettrait, Simon Häggström est formel : « Les femmes prostituées disent que la Suède est un pays plus sûr que les autres. Beaucoup ont vendu du sexe avant dans d’autres pays européens et elles disent que les clients suédois qui viennent les voir […] savent […] que s’ils se conduisent mal, la femme peut appeler la police sans être punie, sans encourir aucune pénalité ». Information qui devient : « la Suède passe pour un pays plus sûr pour les femmes prostituées […] ». Le témoignage direct des principales concernées se transforme en vague réputation, qu’on invite à mettre en doute…
Certes, l’intention de faciliter la tâche des sénateurs en les guidant dans leur vote est louable. Mais est-elle vraiment compatible avec les règles démocratiques ?
1 – http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video22850.html
2 – http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20140519/cs_prostitution.html

5 réflexions sur “Action #37 – Sénat : blocage et sabotage

  1. Quelques exemples d’altération des paroles de l’inspecteur Simon Häggström (chef de brigade anti prostitution de Stokholm)

    Premier exemple : l’inspecteur affirme (à la 30 ème minute) :
    « Les femmes prostituées disent que la Suède est un pays plus sûr que les autres. Beaucoup ont vendu du sexe avant dans d’autres pays européens et elles disent que les suédois qui viennent les voir ont très peur, parce qu’ils savent que la police les recherche, et savent qu’il faut qu’ils se conduisent bien parce que s’ils se conduisent mal, la femme peut appeler la police sans être punie, sans encourir aucune pénalité.»
    Voici donc une information cruciale apportée par l’inspecteur, qui, je le rappelle, est une personne assermentée : GRÂCE À LA LOI, LA SUÈDE EST UN PAYS PLUS SÛR POUR LES PERSONNES PROSTITUÉES QUE LES AUTRES PAYS D’EUROPE ET CE SONT LES PERSONNES PROSTITUÉES ELLES-MÊMES QUI LE DISENT.
    Or le compte rendu du Sénat édulcore fortement cette information capitale en traduisant comme suit :
    « Inversement la Suède passe pour un pays plus sûr pour les femmes prostituées, notamment parce qu’elles savent qu’elles peuvent se plaindre à la police et que les clients le savent aussi. »
    Il ne s’agit donc pas d’une impression, comme la transcription du Sénat le laisse supposer, mais d’une certitude.
    Pourquoi une telle déformation, alors que l’inspecteur est formel et que son témoignage ne peut être mis en doute ?

    Deuxième exemple (6′) : L’inspecteur parle de « Perspectives de la loi, perspective d’égalité… par rapport aux idéaux d’une société égalitaire », alors que le compte rendu du Sénat parle de « points de vue » et « point de vue d’égalité qui ME semble »
    L’inspecteur nous parle d’idéaux d’une société égalitaire et le compte rendu du Sénat convertit les idéaux d’une société égalitaire en point de vue personnel de l’inspecteur en rajoutant le pronom « ME ». Là encore il y a une différence de taille. Nous passons de la défense de valeurs sociétales à un avis personnel.

    Troisième exemple (22′) : L’inspecteur nous dit à propos des mythes répandus : « Une critique est que la loi conduira les clients vers d’autres pays : c’est en partie vrai, car 70% des clients disent que leur achat précédent s’est fait dans un autre pays. Mais c’est la preuve que la loi marche parce que les suédois n’osent pas acheter du sexe en Suède. C’est pour cela qu’il faut que plus de pays adoptent cette législation ou une législation similaire. »
    Or le compte rendu donné par la commission déforme le propos et opère un véritable retournement de sens :
    « La pénalisation du client, encore, repousserait les problèmes au-delà de nos frontières, dans les pays voisins ? Il est vrai que dans les enquêtes que nous avons menées, les clients déclarent à 70 % que leur précédent achat de services sexuels avait eu lieu à l’étranger, mais cela ne doit pas dissuader un pays d’agir comme il lui semble juste »
    L’inspecteur nous prouve que la loi fonctionne (les sondages montrent le nombre de clients prostitueurs est passé de 13,6 % avant la loi à 8 % dix ans plus tard) et nous dit que, pour que la loi soit plus efficace, il faudrait que plus de pays pénalisent l’achat d’actes sexuels, et
    cela n’empêche pas le transcripteur de prêter à l’inspecteur des paroles conciliantes avec les autres modèles, donc avec le réglementarisme.
    Pourquoi un tel retournement de sens ?

    Quatrième exemple (16’35 ») : L’inspecteur nous dit : « 8 clients sur 10 admettent le crime immédiatement sur les lieux d’arrestation, sans même que nous ayons eu à les conduire au poste de police. ». Et le compte rendu du Sénat donne : « Le client peut reconnaître les faits, ce qui arrive dans la plupart des cas ».
    La transcription du Sénat occulte le fait que les clients avouent presque toujours immédiatement le délit sur les lieux mêmes, ce qui rend la tâche de la police très facile.
    Or un mythe répandu en France sur la future loi, est qu’il sera difficile de prouver la culpabilité des prostitueurs (car les clients nieront les faits…), et donc que les délits seront difficiles à établir par la police. L’inspecteur nous dit pourtant explicitement le contraire.

    • NOUVELLE TRANSCRIPTION DE L’INTERVIEW DE L’INSPECTEUR (plus fidèle. aux paroles de l’inspecteur).
      Je travaille en tant qu’inspecteur détective dans l’unité anti prostitution de la police de Stockholm, et aujourd’hui je vais tenter de vous donner une présentation très concrète de ce qui est fait en Suède., comment nous combattons la prostitution et la traite. Sur le terrain, mon travail est d’arrêter les acheteurs de services sexuels, les clients.
      La loi sur l’achat d’actes sexuels est en fait notre outil le plus précieux dans la lutte contre le trafic d’êtres humains; « Loi qui criminalise l’achat d’actes sexuels plutôt que la vente. »
      Elle s’insère dans un dispositif pénal plus large, qui concerne la traite des êtres humains et le proxénétisme.
      Voici le plan de ma présentation orale :
      _ 1. présentation de la loi, (historique, perspectives…)
      _ 2. comment on travaille avec cette loi,
      _ 3. les critiques de la loi,
      _ 4. et les résultats obtenus.

      1. PRESENTATION DE LA LOI (3’00 ») :
      La loi sur l’achat de service sexuel a été introduite en 1999, nous avons donc un recul de 15 ans. L’achat et la tentative d’achat sont illégaux, même un accord verbal ou une offre d’achat est illégale et constitue un délit. Aider quelqu’un à acheter du sexe est aussi illégal ; on a eu des cas où un homme achetait des services d’une femme pour un cadeau d’anniversaire à un ami, et ça c’est passible d’amende et de prison.

      La loi s’applique aux hommes comme aux femmes, mais en 15 ans on n’a jamais eu de femme condamnée.

      LES AMENDES (5′) : la pénalité maximale est un terme de prison d’un an qui n’a jamais été appliquée. Pour les personnes qui sont arrêtées pour la première fois, ils reçoivent une amende qui doit être payée dans les 50 jours, proportionnelle au salaire

      L’HISTORIQUE DE CETTE LOI.
      Pourquoi est-ce que la Suède a décidé de criminaliser l’acheteur, le client, plutôt que le vendeur, la prostituée. Pour comprendre cela il y a trois perspectives différentes qui sont vraiment les fondements sur lesquels repose cette loi: Il faut bien comprendre que la loi sur l’achat de services sexuels, est le résultat de 30 ans de discussion qui ont commencé dans les années 70.
      Le législateur a préféré choisir de punir le client en se basant sur trois perspectives différentes.
      (6’00 ») PREMIÈRE PERSPECTIVE de cette loi, la perspective d’égalité, et c’est vraiment la perspective la plus forte. Dans une des propositions suédoises, avant d’avoir cette loi, on disait : «  il n’est pas acceptable que des femmes et des enfants puissent être achetés et vendus dans une société moderne égalitaire. »
      Il n’y aura pas d’égalité tant que les hommes peuvent acheter des femmes de cette manière. On a inclus cette loi dans la criminalité des hommes contre les femmes, parce que c’est vraiment de cette manière qu’on voit les choses.
      DEUXIÈME PERSPECTIVE (7’20), c’est la perspective de la victime. Je cite la proposition de 1977 : « il n’est pas raisonnable de criminaliser le parti le plus faible, dans la plupart des cas, qui est exploité par d’autres qui veulent assouvir leur désir sexuel. » Ici il faut noter que « on ne dit pas que tous ceux qui vendent des services sexuels sont des victimes, mais on dit que c’est le cas dans la plupart des cas.

      Cette loi est pour les personnes contraintes. Et ceux qui disent qu’ils le font de manière libre, ont généralement une voix très forte, mais c’est la minorité des personnes ; 95% des femmes que je rencontre, ne sont pas libres. Elles viennent de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria. Cette loi est destinée à protéger ces personnes, et pour mettre une barrière, empêcher les réseaux de s’installer en Suède.

      Troisième PERSPECTIVE, LA DEMANDE (9’20 ») : sans demande, il n’y aurait pas de marché pour la prostitution ni pour la traite. Tant qu’on aura des hommes qui voudront payer pour des actes sexuels, alors il y aura du crime organisé pour le fournir parce qu’ils font énormément d’argent. Donc il faut absolument réduire la demande. Si on réduit la demande, automatiquement on réduit les réseaux. Les clients sont les sponsors des réseaux, je le vois dans mon travail quotidien. 

      Quand on parle prostitution souvent on voit une question de morale, et on oublie cette connexion avec le crime organisé et c’est vraiment ça l’enjeu, c’est vraiment une question de réseaux criminels qui se remplissent les poches. Il faut vraiment voir le lien : si on combat les acheteurs, à ce moment-là on combat le crime organisé.

      2. COMMENT ON TRAVAILLE AVEC CETTE LOI AU QUOTIDIEN.
      A Stockholm on a deux unités de police : l’unité contre la traite et le proxénétisme, et l’unité contre les clients (la mienne).

      Nous allons sur les sites d’escorts comme les clients, nous identifions les annonces suspectes montrant le proxénétisme et nous localisons les lieux de rendez-vous. (Généralement les femmes victimes de traite qui viennent d’autres pays, ne savent pas écrire leur propre langue maternelle.) Puis nous allons sur place, nous montons une surveillance et nous interpellons les clients.
       
      8 clients sur dix admettent le crime immédiatement sur les lieux d’arrestation, sans même que nous ayons à les conduire au poste de police afin d’éviter un jugement. Ils recevront une amende, évitant le tribunal. Car en Suède les audiences sont publiques et c’est vraiment un crime honteux que d’acheter du sexe et les hommes ne veulent pas que leurs proches le sachent. 

      Dans tous les cas, nous prélevons un échantillon d’ADN, pour un contrôle sur les crimes non résolus.

      On travaille également avec les services sociaux, qui vont aider et motiver les personnes prostituées à sortir de la prostitution. Il y a aussi des travailleurs sociaux spécialisés pour les clients en difficultés sociales ou relationnelle et qui essaient de sortir de ce cercle d’être client de la prostitution.

      Ensuite nous nous rendons à l’intérieur de l’appartement de la personne prostituée, et nous recueillons le témoignage de la femme. On lui explique la loi suédoise, qu’on est vraiment là pour l’aider, l’assister et la protéger, pas pour les arrêter.

      9 femmes prostituées sur dix donnent un témoignage ; combien le micheton a payé, comment ils les ont contactées, etc. Parfois on trouve des proxénètes à l’intérieur de l’appartement, ou ils viennent frapper à la porte. Quand on arrête des clients, très souvent on trouve les proxénètes.
      Donc en 1 jour, on peut avoir arrêté un client, un proxénète et on conduit une victime vers une assistante sociale. Travailler avec cette loi ne demande pas énormément de ressources, 2 policiers, 2 heures de filatures et beaucoup d’affaire sont menées en 1 seul jour
      3. LES CRITIQUES DIRIGEES CONTRE LA LOI (22′)
      __Tout d’abord que la prostitution se ferait dans la clandestinité, si on criminalise les clients, et c’est faux. Cela ne nous prend environ qu’une heure à localiser et à aller sur place.  Dès lors qu’il y a une annonce, une publicité, il est tout à fait possible, et même relativement aisé de localiser le lieu de prostitution, puis d’intervenir
      __on entend souvent que la violence contre les femmes prostituées augmentera si on criminalise les clients. D’après mon expérience et également d’après l »évaluation gouvernementale, il n’y avait pas de tendance, on n’a aucun fait qui montre que la violence a augmenté à cause de cette loi. On n’a pas eu 1 seul meurtre de personne prostituée depuis l’introduction de la loi (23’26 »)
      __Un mythe répandu à l’étranger, est que cette loi va empêcher les victimes de parler. C’est l’inverse : Cette loi donne aux personnes prostituées, la possibilité de parler aux autorités. Parce que la société a vraiment pris position pour la personne prostituée et contre les clients. Cette législation donne du pouvoir aux personnes prostituées, elle est EMPOWER. Donc la loi permet aux femmes d’oser et de venir nous voir.
      __ Une autre critique, c’est que la loi refuse une vie sexuelle aux hommes handicapés (24′). Tout d’abord, est ce que c’est un droit humain d’avoir un rapport sexuel ? J’ai arrêté environ 700 hommes, pas une seule fois, je n’ai arrêté un handicapé physique. Donc ces hommes ne sont pas représentés. La plupart des clients ont entre 30 et 50 ans, ils n’ont pas d’ handicap, ils ont une famille et ils achètent des services sexuels en rentrant du travail. Ça c’est vraiment votre client type.
      __Une critique est que la loi conduira les clients vers d’autres pays : C’est en partie vrai, car 70% des clients disent que leur achat précédent s’est fait dans un autre pays. Mais c’est la preuve que la loi marche parce que les suédois n’osent pas acheter du sexe en Suède. C’est pour cela qu’il faut que plus de pays adoptent cette législation ou une législation similaire.  

      4.RÉSULTATS DE LA LOI (27min) ++++:
      __A Stockholm avant la loi on pouvait compter 80 personnes prostituées, maintenant elles ne sont plus qu’une douzaine. 
      __En 1995 en Suède, on avait environ 2500 personnes prostituées, et à l’heure actuelle on pense qu’il y en a environ 1000. Donc la traite et la prostitution ne sont plus des problèmes majeurs en Suède et nous pensons que c’est lié à cette loi.
      __Consensus politiques, tous les partis politiques sont d’accords avec la loi, même le parti d’opposition. Ils pensent tous que c’est une bonne loi, et ils veulent la garder. C’est certainement la seule chose pour laquelle ils sont tous d’accord.
      __Tous les sondages ont montré que l’opinion publique est à 70% favorable à la loi et ce soutien est particulièrement fort parmi les jeunes, ce qui est un gage d’adhésion durable. Pourtant avant la loi, la population suédoise était contre la pénalisation des clients. 
      __La législation a un impact sur le comportement des hommes. De 13,6% d’hommes qui achetaient du sexe avant la loi, ils ne sont plus de 7,9% en 2008. Beaucoup de clients disent qu’ils n’achètent plus de sexe, car c’est illégal. La législation a un effet normatif. 
      __Les proxénètes et les trafiquants pensent que la Suède est un mauvais marché. On a enregistré des conversations entre proxénètes, ils disent que la Suède est un mauvais marché ; ils disent que cette loi est mauvaise pour eux, et que même s’ils ne sont pas arrêtés, la police viendra et arrêtera leur client, ils n’obtiendront pas d’argent. Et ils disent qu’ils iront vers les autres pays européens qui ont une législation différente à celle de la Suède.
      __ « Les femmes prostituées disent que la Suède est un pays plus sûr que les autres. Beaucoup ont vendu du sexe avant dans d’autres pays européens et elles disent que les suédois qui viennent les voir ont très peur, parce qu’ils savent que la police les recherche, et savent qu’il faut qu’ils se conduisent bien parce que s’ils se conduisent mal, la femme peut appeler la police sans être punie, sans encourir aucune pénalité. » ( 30 minutes 30 »)

      Tous ces résultats, notamment la baisse de la prostitution dans la rue, je suis convaincu que nous les devons aux outils législatifs et à notre façon de travailler, qui articule des méthodes

      • INTÉGRALITÉ DES PAROLES DE L’INSPECTEUR LORS DE SA PRÉSENTATION DEVANT LA COMMISSION SPÉCIALE DU SÉNAT LE 20 MAI 2014
        (seul manque les détails de la manière dont l’inspecteur procède pour arrêter les clients, mais j’ai transcris les éléments les plus importants.)

        C’est un honneur pour moi de représenter la Suède et la police suédoise. Je travaille en tant qu’inspecteur détective dans l’unité anti prostitution de la police de Stockholm, et aujourd’hui je vais tenter de vous donner une présentation très concrète de ce qui est fait en Suède., comment nous combattons la prostitution et la traite en Suède. Donc je suis moi-même inspecteur de police, je travaille sur le terrain et mon travail c’est d’arrêter les acheteurs de services sexuels, donc les clients. Je vais vous donner une présentation très concrète.

        Je vais commencer par vous présenter notre loi sur l’achat de services sexuels, (je vais m’exprimer en anglais…) :

        Donc la loi sur l’achat d’actes sexuels est en fait notre outil le plus précieux dans la lutte contre le trafic d’êtres humains; Donc on voit cette loi dans le code pénal suédois, () Loi qui criminalise l’achat d’actes sexuels plutôt que la vente. »

        Je vais vous parler un peu de la loi, comment on travaille avec cette loi, et ensuite je parlerai des critiques à cette loi () et également des résultats que l’on a obtenus. Bien sûr il est important de dire que nous avons d’autres législations, il y a également une loi sur la traite des êtres humains, sur le proxénétisme et ainsi de suite. Donc ça c’est une loi parmi d’autres outils dont nous disposons pour combattre la traite.

        1. (3’00 ») PRESENTATION DE LA LOI :
        Elle a été introduite en 1999, la loi sur l’achat des services sexuels, donc cela fait environ 15 ans et nous avons un peu de recul. Ce n’est pas juste l’achat qui est illégal, c’est également la tentative d’achat qui est illégale. Et ça c’est important à comprendre, parce que s’il y a une loi similaire en France, il est important de dire que la tentative d’achat est illégale en Suède également. Et ce que j’entends par là c’est que même un accord verbal, donc un client qui offre de l’argent contre un acte sexuel, rien que cette offre, cet accord est illégal et constitue un délit. Également l’aide à un tiers ; aider quelqu’un à obtenir des services sexuels est illégal, on a eu des cas où un homme achetait des services d’une femme pour un cadeau d’anniversaire à un ami, et ça c’est passible d’amende et de prison. Parce que c’est un acte d’achat. Le payement n’est pas forcement monétaire, bien que ce soit le cas dans 99 % des cas. Ça pourrait être de la drogue, de l’alcool ou quelque chose d’autre.
        La loi s’applique aux deux sexes. Elle est neutre, généralement les clients étant des hommes. Mais cela peut être l’inverse, l’acheteur peut également être une femme et on peut avoir des prostitués hommes. Mais depuis que l’on a la loi, depuis 15 ans, on n’a jamais eu l’autre cas de figure. Donc les acheteurs ne sont pas des femmes, généralement c’est un problème masculin.

        (5’00 ») LES AMENDES : la pénalité maximale est un terme de prison d’un an qui n’a jamais été appliquée. Pour les personnes qui sont arrêtées pour la première fois, elles reçoivent une amende qui doit être payée dans les 50 jours, proportionnelle au salaire ; la somme minimale est de 250 € si la personne n’a pas d’emploi, mais il n’y a pas de maximum, cela dépendra du salaire de la personne.

        ENSUITE J’AIMERAI PARLER UN PEU DE L’HISTORIQUE DE CETTE LOI. Pourquoi est-ce que la Suède a décidé de criminaliser l’acheteur, le client, plutôt que le vendeur, la prostituée. Pour comprendre cela il y a trois perspectives différentes et ça ce sont vraiment les fondements sur lesquels repose cette loi: Il faut bien comprendre que la loi sur l’achat de services sexuels, ce n’est pas quelque chose qui a été introduit du jour au lendemain par le gouvernement Suédois. Il y a eu énormément de discussions avant, cette loi est le résultat de 30 ans de discussions qui ont commencé dans les années 70, c’est donc le résultat de 30 ans de discussions.

        (6 ème minutes) PREMIÈRE PERSPECTIVE de cette loi, la perspective d’égalité, et c’est vraiment la perspective du point de vue le plus fort. Dans une des propositions suédoise, avant d’avoir cette loi, on disait, et là c’est une citation : «  il n’est pas acceptable que des femmes et des enfants puissent être achetés et vendus dans une société moderne égalitaire. »
        Il n’est pas acceptable qu’un homme qui rentre du travail, achète une femme roumaine, lui donne 150 euros et fasse ce qu’il veut avec elle pendant 30 minutes, ce n’est pas ça l’égalité.
        Et ça c’est vraiment une perspective forte ; Il n’y aura pas d’égalité tant que les hommes peuvent acheter des services sexuels à des femmes de cette manière. On a inclus cette loi dans la criminalité des hommes contre les femmes, parce que c’est vraiment de cette manière qu’on voit les choses.

        (7’20 ») DEUXIÈME PERSPECTIVE, c’est la perspective de la victime. C’est encore une fois très important, encore une fois je cite la proposition de 1977 : « il n’est pas raisonnable de criminaliser le parti le plus faible, dans la plupart des cas, qui est exploité par d’autres qui veulent assouvir leurs désirs sexuels. » Ici il faut noter que « on ne dit pas que tous ceux qui vendent des services sexuels sont des victimes, mais on dit que c’est le cas dans la plupart des cas. Parce que en Suède, et j’imagine que c’est la même chose qu’en France, il y a des personnes qui disent qu’elles vendent des services sexuels de manière libre, que cela fait partie de leur sexualité, ou qui veulent tout simplement le faire, et je les respecte.
        Cette loi n’est pas appliquée, n’est pas pour ces personnes-là. Cette loi est vraiment pour les personnes qui ne vendent pas les services sexuels de manière libre. Et ceux qui disent qu’ils le font de manière libre ont généralement une voix très forte, mais ce sont la minorité des personnes.

        (8’40 ») Environ 95% des femmes que je rencontre ne le font pas de manière libre. Je parle des personnes qui viennent de Roumanie, de Bulgarie, du Nigeria et qui vont dans d’autres pays et qui sont amenées dans d’autres pays. Et cette loi est destinée à protéger ces personnes, elle n’est pas destinée aux personnes qui se prostituent de manière libre.
        Cette loi sur l’achat de services sexuels est vraiment faite pour être une barrière, pour empêcher les réseaux de s’installer en Suède.

        (9’20 ») LA TROISIÈME PERSPECTIVE, C’EST LA PERSPECTIVE DE LA DEMANDE, et ici il faut se concentrer sur une cause profonde. Sans demande pour des services sexuels, il n’y aura pas de marchés de services sexuels. Les trafiquants les proxénètes, ne font pas ça parce qu’ils aiment le sexe, ils s’en fichent, ils font cela pour une seule raison, c’est l’argent.
        Et tant qu’on aura des hommes en Suède qui voudront payer pour des services sexuels, à ce moment-là on aura du crime organisé pour le fournir parce qu’ils se font énormément d’argent. Donc il faut vraiment baisser cette demande, parce que les clients ont le pouvoir. Si on réduit la demande, automatiquement on réduira la capacité des réseaux. Les clients sont les sponsors des réseaux, je le vois dans mon travail quotidien. Cela m’attriste car très souvent lorsqu’on parle prostitution, on parle de la morale, sur le fait que cela soit bien ou non, juste ou non, mais on manque cette connexion avec le crime organisé et c’est vraiment ça l’enjeu ; c’est vraiment un réseau criminel qui se remplit les poches. Il faut vraiment voir le lien, et si on combat les clients, si on combat ces acheteurs alors on combat le crime organisé.
        10’50 » : JE VAIS VOUS MONTRER MAINTENANT COMMENT ON TRAVAILLE AVEC CETTE LOI AU QUOTIDIEN.
        A Stockholm on a deux unités dans la police : l’unité contre la traite se focalise sur la traite et sur le proxénétisme, et l’unité contre les clients (la mienne) qui se concentre sur les clients, pas sur les proxénètes.
        Il faut garder à l’esprit quand vous aller voir cette étude de cas, c’est que les critiques que l’on voit les plus fréquemment c’est qu’en Suède, la prostitution était visible dans la rue et qu’ensuite si on a une loi, la prostitution passe dans la clandestinité et que tout disparaît et que l’on ne trouvera plus les prostituées.
        Mais je vais vous monter comment on fait les choses :
        Les clients vont sur ces sites d’escorts et ils choisissent une femme ou un homme qu’ils veulent rencontrer, et les clients lorsqu’ils vont sur ces sites, nous les voyons. Nous contrôlons ces sites, nous essayons de contrôler les publicités, et nous cherchons les choses qui nous montrent qu’il y a de la traite derrière. Par exemple ici sur cette photo, on voit que cette fille est très jeune. Donc ici on peut faire une étude sur cette personne car elle a l’air très jeune. L’âge est très important. On veut bien sûr parler à cette jeune fille. Il y a d’autres indicateurs également:()
        Beaucoup de ces femmes que nous rencontrons, qui viennent d’autres pays, généralement ne savent même pas écrire leur propre langue maternelle. ()

        14’15 » Comment fait un client pour rencontrer ces femmes ? Il y a sur cette page un numéro de téléphone, et c’est exactement ce que fait la police. La police passe un appel, je me fais passer pour un client, je prends rendez-vous avec elle, elle m’envoie l’adresse. Et c’est tout simple, c’est aussi simple que cela. En tant que policier, on va à l’adresse, on fait la localisation des lieux, on voit l’appartement. () puis on fait de la surveillance physique. Là on voit qu’il y a un lien entre l’appartement et la publicité sur internet ;
        Dans la phase de surveillance, on a des policiers sur le terrain. Tous les hommes qui se rendent à l’appartement, on a le droit de les arrêter d’après cette loi parce qu’on les soupçonne d’avoir acheté des services sexuels. () Lorsque la personne quitte l’appartement, nous l’arrêtons () En général on ne l’emmène pas au poste, [car ils admettent immédiatement le crime sur les lieux]

        16’35 » Dans 8 cas sur 10, 8 clients sur 10, ces clients admettent le crime, ils disent tout de suite oui c’est vrai je l’ai fait. Et la raison à cela est si vous l’admettez, vous évitez de passer devant les tribunaux. Parce que le procureur peut envoyer une amende sans vous faire venir au tribunal. En Suède les audiences des tribunaux sont publiques, ça veut dire que n’importe qui peut s’y rendre. Et ça c’est vraiment un crime honteux. Les hommes ne veulent pas que leur famille, que leur employeur, que leurs amis connaissent cet aspect de leur vie, c’est la raison pour laquelle ils choisissent d’admettre leur crime généralement. On prend également des échantillons d’ADN de tous les clients que l’on arrête () et l’on vérifie par rapport aux crimes non résolus.

        17′ 50 » : On travaille également avec les services sociaux. Quand on parle prostitution, je dois dire qu’il y a 2 aspects : la criminalisation c’est le premier aspect, mais le deuxième aspect est qu’il faut aider et motiver les personnes prostituées à sortir de la prostitution. Très souvent on oublie cet aspect dans le débat. Dans notre unité, on a deux travailleurs sociaux qui travaillent avec nous au sein de l’unité, et qui aident et qui motivent et qui essayent de faire sortir les personnes de la prostitution. ()

        18‘53 » Il y a des travailleurs sociaux qui se spécialisent dans l’aspect client, car beaucoup de personnes qui achètent des services sexuels n’en sont pas fières. Les hommes sont parfois accrocs au sexe, ou ils ont des difficultés sociales, des difficultés dans leur relation. On a deux travailleurs sociaux qui se spécialisent sur les clients.
        Et on leur propose une thérapie après l’arrestation. On a un travailleur social qui a une cinquantaine d’hommes qui leur rendent visite toutes les semaines, parce qu’ils essaient de sortir de ce cercle d’être client de la prostitution.

        19’30 » Ensuite on se rend à l’intérieur de l’appartement, là où se trouve la femme, et on essaie de recueillir son témoignage, parce que dans ce processus, on considère que la femme est un témoin dans notre enquête. Donc on frappe, on se présente, on dit qu’on fait partie de l’unité anti prostitution, on explique la loi suédoise. On leur dit qu’on n’est pas là pour les arrêter, ni pour les envoyer en prison, ou pour prendre leur argent ou quoi que ce soit. On est vraiment là pour les informer pour leur dire quels sont leurs droits, qu’elles ont le droit de recevoir de l’aide, d’être aidées par la police. On leur donne des informations, on leur donne nos coordonnées et ensuite on recueille leur témoignage. Et je dirais que

        20’25 » 9 femmes sur 10 donnent un témoignage : « combien ils ont payé, comment ils les ont contactées, et ainsi de suite. » Donc également ce sont des preuves importantes.
        Parfois quand on fait ce genre d’interrogatoire on trouve des proxénètes, soit qu’ils viennent frapper à leur porte, ou alors qu’ils se cachent à l’intérieur de l’appartement, dans une autre chambre. On a une loi très forte contre le proxénétisme, Zéro tolérance, donc il est absolument interdit d’aider aux services sexuels.
        21’05 » Quand on arrête des clients très souvent on trouve les trafiquants ou les proxénètes. Ici on peut avoir une affaire d’un jour, donc on peut avoir arrêté un client, un proxénète et on peut avoir emmené une victime vers un refuge.
        ()
        [ Image : Temps de surveillance des policiers : 2 heures. ]
        Quand on travaille avec cette loi, ça ne demande pas énormément de ressources au niveau du maintien de l’ordre ; cela demande 2 officiers de police et 1 travailleur social, () grâce à cette loi, on voit que c’est un complément à la loi anti-traite, car on peut avoir de petites affaires comme ça au quotidien.

        (22’00) J’AIMERAI PASSER EN REVUE LES DIFFÉRENTES CRITIQUES QUI SE DIRIGENT CONTRE LA LOI EN PLACE.
        __Tout d’abord que la prostitution se fera dans la clandestinité, si on criminalise les clients, et ce n’est tout simplement pas vrai, ce n’est pas un problème pour nous. Cela nous prend environ 1 heure pour trouver une affaire, en appelant et en localisant un appartement.
        __Deuxième chose que l’on entend souvent c’est que la violence contre les femmes prostituées augmentera si on criminalise les clients. D’après mon expérience et également d’après l »évaluation gouvernementale, on a vu qu’il n’y avait pas de tendance, on n’a aucun fait qui montre que la violence a augmenté à cause de cette loi. Par contre j’aimerais dire que je pense que, être dans un réseau de prostitution, que ce soit en Hollande, en Allemagne ou en Suède c’est dangereux. Quand vous êtes prostituées et que vous vendez vos services, vous pouvez être violée, vous pouvez être violentée, on peut vous voler votre argent et ainsi de suite. Mais on n’a pas eu de crime, on n’a pas eu de meurtre de personne prostituée depuis l’introduction de cette loi. (23’26 »)

        __Il y a aussi un argument que l’on entend contre cette loi ; que les femmes dans la prostitution ne parleront plus aux autorités, et elles n’oseront pas indiquer quels clients sont violents si on les criminalise. Je dirais qu’en fait c’est l’inverse ! Cette loi donne la possibilité aux prostituées de parler aux autorités. Parce que la société a vraiment pris position, et la position n’est pas contre la personne qui vend des services sexuels, elle est contre les clients. Et donc cette législation donne du pouvoir, elle est EMPOWER même () Donc on reçoit des appels toutes les semaines, des courriels de prostituées qui veulent nous faire part de violences. Donc la loi permet aux femmes d’oser et de venir nous voir.

        __(24’30 ») une autre critique que j’entends souvent, c’est que la loi refuse une vie sexuelle aux hommes handicapés. Ça me surprend parce que j’entends cet argument très souvent, de manière internationale. Tout d’abord, est-ce que c’est juste ? Est-ce que c’est un droit humain d’avoir un rapport sexuel ? Première chose à laquelle il faut penser. Ensuite j’ai arrêté environ 700 hommes, 700 clients et pas une seule fois, je n’ai arrêté un handicapé physique. Donc ces hommes ne sont pas représentés. La plupart des clients ont entre 30 et 50 ans, ils n’ont pas de handicap, ils ont une famille et ils achètent des services sexuels en rentrant du travail. Ça c’est vraiment votre client type.
        __25’30 » : une autre critique est que la loi contre l’achat de services sexuels conduira les clients vers d’autres pays. C’est en partie vrai, ce que l’on voit dans notre enquête, c’est que 70% des clients disent que leur achat précédent s’est effectué dans un autre pays. On peut le voir de différentes manières, moi la manière dont je le vois, c’est que la loi fonctionne parce que les suédois n’osent pas acheter du sexe en Suède. C’est pour cela qu’il faut que plus de pays adoptent cette législation ou une législation similaire.

        26’10 » On entend également que la prostitution ne diminuera pas. Voici les chiffres sur la prostitution de rue à Stockholm :

        2013 – 120 personnes prostituées dans les rues
        2012 –150 personnes prostituées dans les rues
        2011 – 163 personnes prostituées dans les rues
        2010 – 175 personnes prostituées dans les rues
        2009 – 191 personnes prostituées dans les rues
        2008 – 200 personnes prostituées dans les rues

        On a environ 2 millions de personnes à Stockholm, et ce soir vous trouveriez entre 12 à 15 femmes qui seraient sur le trottoir à Stockholm. Avant la loi on aurait pu en trouver environ 80, 80 femmes qui faisaient le trottoir. Quand on pense au nombre de personnes prostituées en Suède, c’est difficile de mesurer, de chiffrer mais on a des statistiques qui montrent que dans les années 70 on avait environ 3000 prostituées en Suède, en 1995 on a estimé qu’on avait environ 2500 prostituées, et à l’heure actuelle, ce n’est pas un chiffre officiel, mais on pense qu’on a environ 1000 prostituées en Suède.

        27’25 » : Donc la traite et la prostitution ne sont plus des problèmes majeurs à l’heure actuelle en Suède, et nous pensons que c’est lié à cette loi.

        LES RÉSULTATS QUE L’ON VOIT,
        _Nous avons un consensus politique : les 8 partis gouvernementaux sont d’accord avec la loi, même le parti d’opposition, et je dois vous dire que c’est certainement la seule chose pour laquelle ils sont tous d’accord. Ils pensent tous que c’est une loi positive et ils veulent la garder.
        28’05 » _On voit également que l’opinion publique est favorable à la loi. Ici sur le diagramme, on a 4 sondages d’opinion officiels :
        1996, 3 ans avant l’introduction de la loi, 67% étaient contre la criminalisation du client. Mais au fil des années, on a exactement l’inverse, c’est plus de 70 % des personnes interrogées qui sont pour la criminalisation et qui soutiennent la loi. Donc on voit que la population Suédoise à complètement changé d’opinion, et on a un soutien très fort à cette loi. Et ce qui me satisfait en tant qu’officier de police, on voit que ce soutien est particulièrement fort parmi les jeunes, de 15 à 28ans et cela signifie que cette loi est là pour rester longtemps.
        1996 POUR «35% CONTRE 67% (environ)
        1999 POUR 75% CONTRE 13%
        2002 POUR 75% CONTRE 15%
        2008 POUR 70% CONTRE 17%

        1999 Poll showed 84% of people aged 15-29 in support of the law ( Swedish government commission SOU 2010:49)
        2002 Poll showed 87% of people aged 15-29 in support of the law
        2008 Poll showed 78% of people aged 18-28 in support of the law

        (29’00 ») _ voit également que la législation a eu un impact sur les clients. En 1996, on a fait une enquête sur les clients et on voyait que 13,6% des hommes disaient que oui ils avaient déjà acheté des services sexuels. On a fait la même enquête en 2008 et on a vu que le chiffre avait baissé et n’était plus qu’à 7,9% (Kuosmanen 2008 Nordic Gender Insitute). Et beaucoup de clients disent que la raison pour laquelle ils n’achètent plus de services sexuels parce que cela est maintenant illégal.
        29’45 » Donc la législation a vraiment un effet normatif.
        Ensuite d’autres résultats que l’on peut voir : on voit que les proxénètes et les trafiquants pensent que la suède est un mauvais marché. On a enregistré des conversations, et sur ces enregistrements on entend des proxénètes et des trafiquants qui se parlent et ils disent que la suède est un mauvais pays, que cette loi est mauvaise pour eux, et que même s’ils ne sont pas arrêtés, la police viendra et arrêtera leurs clients. Et cela signifie qu’ils n’auront pas l’argent, ils n’obtiendront pas d’argent et donc ils vont vers d’autres pays européens avec des législations différentes, avec des législations plus libérales. . .

        30′ 30 » On voit également que les femmes prostituées disent que la suède est un pays plus sûr que les autres pays, beaucoup de femmes prostituées ont travaillé dans plusieurs pays avant de venir en Suède, et elles disent vendu du sexe [ COUPURE ] avant dans d’autres pays européens et elles disent que les suédois qui viennent les voir ont très peur, parce qu’ils savent que la police les recherche, et savent qu’il faut qu’ils se conduisent bien parce que s’ils se conduisent mal, la femme peut appeler la police sans être punie, sans encourir aucune pénalité.»

  2. ENGLISH TRANSLATION
    The proposed bill against the prostitution system, adopted by the National Assembly, has still not been put on the voting agenda of the French Senate. For the bill’s opponents, the ends justify the means.
    On May 20, 2014, a Senate Special Commission heard Swedish police inspector Simon Häggström, attached to the Stockholm anti-prostitution squad and a crucial witness to evaluate the fifteen years of implementing the law punishing the buyers/prostitutors.

    Zéromacho can demonstrate that the account given of his testimony has been shortened and falsified on several important points.

    In short:
    The three main arguments used to oppose the criminalization of “clients” are the following:
    • prostituted persons will be endangered as the law will allegedly make matters even worse
    • prostitution will be relocated to places outside cities or abroad
    • it will be impossible to locate contravening “clients” or to prove their guilt.

    Inspector Häggstöm however demonstrates that the opposite is true. using the example of the Swedish situation, and it is precisely here that his statements have been cut or misconstrued.

    Zéromacho demands that the exact text of Simon Häggström’s testimony be posted on the French Senate website and be distributed to all members of the special commission

    The parts of the testimony that have been distorted are the following:

    First point (0h30m on the video recording):
    The inspector states: “The women in prostitution say that Sweden is a country safer than others. Many have sold sex before, in other European countries, and they say that the Swedes who come to see them are very much afraid, as they know that the police are on the lookout for them, and they know that they must behave well, because if they behave badly, the woman can call the police without her being punished, without incurring any form of punishment.”

    The account given of this statement by the Senate dilutes this vital information by summarizing this as follows:
    “Conversely, Sweden is alleged to be a safer country for prostituted women, especially as they know that they can complain to the police and that the clients know that, too.”

    Inspector Häggström’s essential statement is completely undercut. Gone is the clients’ being “afraid”, their less aggressive attitude has been obliterated, and the prostituted women’s testimony is chucked out. All that remains is a vague impression given: Abroad, “Sweden is said to be..”
    Second point (0h22 mins on the video recording):
    The inspector tells us about the myths being spread: “One point of criticism is that the law will take clients to other countries: that is partly true, as 70% of the clients say that their last purchase of sex occurred in another country. But that proves that the law works, since Swedes do not dare to buy sex in Sweden. That is the reason why more countries must adopt this law or a similar legislation.”
    The account given by the Senate to the commission distorts the statement and turns its meaning upside down:
    “Although 70% of the clients state that their previous purchase of sexual services has taken place abroad, this mustn’t dissuade any country from acting as it sees fit.”
    The “proof that the law works” has been erased, the “Swedes who do not dare buy sex” have been made to disappear and, above all, the call on other countries to “adopt this law or a similar one” has been eliminated.
    In its place, we are made to hear that every country should act “as it sees fit”.

    Third point (16m35s on the video recording):
    A myth spread in France regarding the future of the law is that it would be impossible to prove the guilt of prostitution’s “clients”.
    However, Inspector Häggstöm testifies that: “8 out of 10 clients admit to the crime immediately upon arrest. Without even our having to take them to the police station.”
    The French Senate account translates this as follows: “The client can acknowledge the facts, which happens in the majority of cases.”
    The point is, to say the least, diminished.

    Follow-up on this intervention by Zéromacho:

    – – Read “Bidouillages au Sénat” by Gérard Biard, in Charlie Hebdo, October 29, page 5.

    To verify this by yourself:
    View the video recording of Inspector Simon Häggström’s testimony, chief of Stockholm’s anti-prostitution squad:
    http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video22850.html
    and compare it with the Account given by the Senate’s Special Commission:
    http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20140519/cs_prostitution.html

  3. C’est dingue ces manipulations ! Merci pour ce long travail de rectification. Il y a de réelles et profondes oppositions à la lutte contre le système prostituteur.

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